Kinaïe regarda s’éloigner les dragons, affaissé sur la roche encore froide, ne sachant si ils allaient se revoir un jour. Mais peu importe, la vie continu comme on dit…
*Ah ! La vie… celle qui a fait disparaître ma famille, ma raison d’être.*
Il baissa la tête.
La colère, la tristesse, la haine, le désespoir, tous ces sentiments agglomérés faisaient naître au doré une sensation de mal être plus qu’insupportable. En effet le dragon pensait toujours au drame qu’il avait connu la veille. Les créatures, ses parents … les cadavres. Ce drame dont il ne restait que d’infimes images, des flashs flous, des souvenirs bien trop imprécis, proches du rêve, du cauchemar… Il le sentait. Quelque chose de plus fort était entrain de le faire oublier, peut-être était-ce lui-même après tout. Cela avait été si éprouvant, qu’il pensa que c’était normal, mais il continua obstinément à se demander pourquoi. Devait-il abandonner le souvenir de la tuerie ? Devait-il faire comme si sa famille n’avait rendu l’âme ? Il ferma les yeux essayant de chercher des réponses.
*… Non… non, je ne peu pas !*
Il ne choisira pas la facilité. Il pouvait, il se devait d’affronter la réalité, aussi dure soit-elle.
Kinaïe savait au plus profond de lui que son père, sa mère lui aurait redonné courage. Il se devait d’honorer leur mémoire. Il allait devoir faire son deuil, mais il ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il allait tout faire pour eux à partir de cet instant précis. Ils l’avaient averti pourtant : « Si des embuches se dressent sur ton chemin, tu devras changer de direction mais non de destination. Souviens-t-en. ». Ces mots résonnaient dans sa tête, comme un écho attendant une réponse.
Les paupières du dragon s’ouvrirent et il se mit à regarder le soleil, ce dernier faisant briller intensément ses yeux de sang, puis l’horizon d’un bleu de cobalt. Le passé et le futur lui faisait peur, le terrifiait même. Mais là encore il entendit ses parents disant en cœur : « Ne vis pas dans le passé, ni ne rêve au futur, mais applique toi au présent. » Il déversa quelques larmes à cette nouvelle résonnance mais sentit sa volonté prendre de la force. Il devait y aller maintenant, partir, et vivre. Sa famille l’avait guidé jusque là et il devait aller seul maintenant.
Kinaïe regarda sa cicatrice, ancienne blessure que Yawë et Arya avaient soigné.
*Beaucoup de choses peuvent guérir. Mais pour cela, j’aurais besoin de d’autres esprits à mes côté.*
Il avait retrouvé conviction et confiance en soit.
*Au revoir El’zi, au revoir Ysabet.*
Le dragon doré se redressa de toute sa hauteur et se tint sur ses deux pattes arrières, sa queue lui permettant de se stabiliser. Il déploya ses longues ailles, la lumière chaude du soleil faisant briller ses écailles précieuses. Les yeux encore humides par l’émotion, il repensa à tout et à rien, ses pensées se mélangeant et se remélangeant pour devenir précises et ordonnées.
*Juste une dernière fois…*
Et le dragon s’élança à ces mots, avec une nouvelle aisance, dans les airs, vers sa prochaine destination qui sera surement l’une des plus importantes de sa vie.